CHAPITRE ONZE

Le lieutenant Max Stromboli se redressa avec un grand soupir et rangea proprement ses outils. Les autres membres de sa petite équipe étaient occupés à monter des paraboles de transmission sur le toit de la tour, mais ils étaient trop peu nombreux pour lui permettre de rester à l'écart en laissant le travail aux techniciens. D'ailleurs, il était encore capable de bricoler un bon panneau de circuits, se dit-il en contemplant la console avec un orgueil paternel.

Pourtant, l'orgueil était loin d'être son sentiment dominant lorsqu'il avait atterri sur Méduse. Il commençait à peine à reprendre ses repères à bord de l'Intrépide après le choc de l'annonce de l'exil au poste de Basilic lorsqu'il s'était de nouveau retrouvé exilé. Et, cette fois, carrément hors du bâtiment!

Il se laissa tomber dans le siège baquet rembourré, brancha la console sur le nouveau réseau de données du centre de contrôle spatial qu'alimentaient les détecteurs de l'Intrépide et les sondes de reconnaissance en orbite, et sourit en voyant l'holo transplanté s'allumer. Tout paraissait parfait, mais il lança une vérification complète du système par mesure de sécurité et s'installa commodément dans son fauteuil pendant que l'ordinateur travaillait.

Le commandant, se dit-il, ne faisait pas les choses à moitié —et elle ne manifestait guère de patience pour ceux qui avaient ce travers. Comme un certain Maxwell Artois Stromboli, lieutenant de vaisseau qui, il fallait bien l'avouer, n'avait fait que traîner les pieds en pleurant sur son sort depuis les manœuvres de la Flotte. Max Stromboli ne se considérait pas comme l'officier le plus brillant qu'ait jamais porté la planète Manticore, mais il valait mieux que ce à quoi il s'était laissé aller, il le savait. Il était resté dans son coin sans rien faire, comme un gamin boudeur, et quand le commandant Harrington lui avait demandé une trajectoire pour Méduse alors qu'il ne l'avait pas...

Il eut un frisson d'angoisse rétrospective. De Dieu, il avait bien cru qu'elle allait lui arracher la tête et lui cracher à la figure ! Et il l'aurait bien mérité. Mais elle n'avait pas bougé; elle avait attendu patiemment et il s'était senti humilié, mais humilié !... tout en calculant le cap, surtout parce qu'elle ne lui avait pas remonté les bretelles devant toute l'équipe de quart de la passerelle !

Et puis cette affectation à Basilic n'était pas le camouflet qu'il avait cru tout d'abord, il devait bien le reconnaître. D'accord, l'atmosphère de Méduse évoquait les effluves d'une usine chimique qui aurait ses systèmes de filtration en rideau et les indigènes ressemblaient à des monstres de foire, mais la mission était plus importante qu'il ne l'avait imaginé. Il s'en était rendu compte à l'instant où il avait vu l'installation bricolée avec laquelle l'API surveillait tant bien que mal les orbites hautes; les gars l'avaient accueilli, lui et son équipe, avec toute la ferveur d'une garnison qu'on vient relever et ils n'avaient que des éloges à adresser au commandant, mais leurs compliments même lui avaient fait cruellement toucher du doigt à quel point — et depuis combien de temps — la Flotte les avait laissés tomber.

Avec un soupir, il fit pivoter son siège pour examiner la sortie imprimante du premier test. Ça avait l'air bon; laissant le listing s'accumuler dans le bac de réception, il regarda par la fenêtre.

Grands dieux, quelle planète minable ! Son centre de contrôle nouvellement établi se trouvait au premier étage d'une des tours d'angle de l'enceinte gouvernementale et il disposait d'une vue épouvantablement imprenable sur des kilomètres et des kilomètres d'une mousse pommelée gris-vert qui s'étendait jusqu'aux rives d'un machin que les indigènes appelaient « fleuve ». Le chenal où roulait un flot graisseux, épais, alourdi de limon, faisait partie des centaines d'autres qui circulaient à travers le delta marécageux, et au-delà se dressaient les murs d'une cité d'Échassieux.

Il prit une paire de jumelles électroniques sur une console et observa la courtine qui faisait face au fleuve. Avec l'impression de pouvoir la toucher, il s'émerveilla de la dimension des blocs qui la composaient; ils avaient été extraits d'une carrière très loin en amont et convoyés par bateau jusqu'à leur emplacement actuel, et le moindre d'entre eux devait avoir un mètre de côté. Sacrée réalisation, même sous cette gravité, pour une civilisation qui ne connaissait que la force musculaire, et surtout pour une créature aussi apparemment maladroite et dégingandée qu'un Échassieux.

Il se fixa sur un des indigènes, incapable au fond de lui-même de croire qu'ils aient pu bâtir ces énormes fortifications. Comme sur Sphinx, l'équivalent des mammifères sur Méduse (il n'existait pas d'oiseaux) étaient hexapodes, mais là s'arrêtait la similitude. Les animaux sphingiens étaient trapus, carrés, en dehors des espèces arboricoles comme les chats sylvestres, à cause de la gravité locale; les médusiens, eux, étaient grands, minces et dotés par-dessus le marché d'une symétrie trilatérale. Les indigènes étaient indéniablement à sang chaud et vivipares, mais ils rappelaient bien davantage à Stromboli un insecte de la Vieille Terre qu'on nommait la mante religieuse, vu sur une émission holo, qu'un véritable mammifère. Sauf que, naturellement, aucun insecte solarien n'avait les membres disposés de façon équidistante tout autour du corps.

À l'instar de l'Homme, la forme de vie dominante avait libéré ses membres supérieurs pour manipuler les objets, mais elle avait des jambes d'une longueur et d'une maigreur excessives selon les critères humains. Évidemment, leur disposition tripode que donnait aux créatures une stabilité extraordinaire une fois bloquées les six articulations, mais ces articulations, c'était justement encore un élément de gêne pour Stromboli : pas plus que celles des hanches, elles ne se pliaient; elles pivotaient, et, quand il regardait un Échassieux se déplacer, le lieutenant Stromboli se sentait un vague malaise au creux de l'estomac. Dieu seul savait a quoi ils ressemblaient quand ils couraient!

L'ordinateur émit un petit bruit pour signaler la fin de la vérification; Stromboli reposa ses jumelles et se retourna vers son panneau. C'était peut-être une planète minable, mais il avait la responsabilité de son trafic orbital et il éprouva soudain une envie inattendue de se mettre au travail.

L'énorme navette de fret antigrav avait l'air d'un insecte, blottie contre le vaisseau mère sous pavillon manticorien, et la pinasse des douanes qui s'y raccorda ressemblait à un microbe. Deux membres d'équipage de la navette se tenaient, raides comme des piquets, à l'extrémité du tube, telles des sentinelles revêches. L'enseigne de vaisseau Scotty Tremaine n'avait pas tout à fait treize ans manticoriens et c'était sa première affectation depuis l'obtention de son diplôme, mais il sentit, à leur attitude, que quelque chose clochait. Ils avaient déjà paru extrêmement mal à l'aise la première fois qu'il était monté à bord de leur navire, aussi se tourna-t-il pour observer Harkness, mine de rien.

Le second-maître Harkness était ce qu'on appelle un personnage, du moins Tremaine en avait-il l'impression; il avait jeté un coup d'œil sur son dossier personnel avant de quitter le bâtiment (geste que les instructeurs de l'Académie recommandaient à tout officier avant de prendre le commandement de son détachement), et il regrettait de n'avoir pas eu davantage le temps de se plonger dans cette passionnante lecture. Harkness faisait partie de la Flotte depuis plus de vingt ans, soit presque trente-cinq années T, et il avait été cité douze fois, selon le décompte de Tremaine, pour passer premier-maître. Il y était d'ailleurs arrivé, une fois. Mais le second-maître Harkness avait une faiblesse –deux, en fait : il était constitutivement incapable, lorsqu'il n'était pas de service, de croiser une veste de fusilier dans un bar sans chercher aussitôt à massacrer celui qui la portait, et, par ailleurs, il se croyait une obligation humanitaire de fournir à ses camarades de bord toutes les petites choses qu'on ne trouve normalement pas dans le magasin d'un navire.

C'était aussi un des meilleurs techniciens missiles du service, ce qui expliquait peut-être qu'il appartenait toujours à ce même service.

Mais, en l'occurrence, ce qui intéressait Tremaine, c'était ce que lui avait dit le bosco MacBride avant qu'ils ne quittent le bord. Tremaine aimait bien le bosco; même si elle le considérait comme un gosse pas trop futé, elle semblait penser qu'un jour, convenablement formé par les boscos dont le devoir sacré était d'essuyer le nez et de torcher les fesses des enseignes et de les empêcher de s'emmêler les pieds, il ferait peut-être un officier valable. En attendant, les suggestions infiniment respectueuses de MacBride l'arrêtaient en général juste avant qu'il ne mette le pied en plein dedans.

« L'enseigne aurait peut-être intérêt à lâcher les rênes au second-maître Harkness, avait dit MacBride sotto voce. Si quelqu'un peut reconnaître une cargaison foireuse, c'est bien lui. Et puis (elle l'avait regardé avec une de ses fameuses expressions pince-sans-rire) j'ai... discuté avec lui de l'importance de son affectation.

Voilà donc pourquoi Tremaine changea légèrement de position et s'écarta pour s'accouder sur un transporteur, d'où il pouvait observer Harkness tout en surveillant les hommes d'équipage.

Une copie du manifeste à la main, Harkness se déplaçait parmi les palettes antigrav proprement rangées et vérifiait les étiquettes des conteneurs métalliques. Un lecteur à bande magnétique déformait la poche de son bleu de travail, mais le abat de l'appareil était toujours fermé. Soudain il ralentit le pas, puis se baissa pour examiner une palette, et Tremaine nota qu'un des hommes d'équipage se raidissait.

« Monsieur Tremaine ? fit Harkness sans se retourner. -- Oui, second-maître ?

  Je crois que ceci va vous intéresser. »

C'était étonnant, ce ton paternel chez un homme au visage meurtri de boxeur. On aurait dit un professeur qui s'apprêtait à !aire une expérience pour le bénéfice d'un élève particulière-lent apprécié, et Tremaine traversa la soute pour se placer à ses côtés.

« Qu'y a-t-il, second-maître ?

  Ceci, monsieur Tremaine. » Un doigt carré aux phalanges couturées de cicatrices indiqua la bande argentée des douanes qui entourait le conteneur et, en particulier, le cachet des services douaniers royaux, avec le petit vaisseau stellaire surmonté de la manticore couronnée et flanqué du sphinx et du griffon cabrés, les armes du Royaume. Tout parut normal à Tremaine.

« Eh bien ?

  Ma foi, monsieur Tremaine, fit Harkness d'un ton pensif, je ne suis pas sûr, mais... » Le large index souleva le cachet et Tremaine cilla lorsqu'il se détacha avec un claquement de la bande dont il faisait normalement partie intégrante. L'enseigne se pencha et distingua le ruban de plastique qui passait à l'endroit d'où avait été découpé le cachet d'origine.

« Vous savez, monsieur Tremaine, reprit Harkness du même ion songeur, je parie que ces pauvres conn... pardon, monsieur (il n'avait pas l'air spécialement embarrassé, mais Tremaine glissa; il avait d'autres chats à fouetter) : ces pauvres gars de l'API ont dû se débrouiller si longtemps sans matériel qui vaille qu'ils en sont devenus négligents. » Il secoua la tête avec l'expression d'un homme de l'art qui déplore un travail bâclé. « Avec un vrai douanier, ça ne serait jamais passé.

  Je... vois. »

Tremaine jeta un coup d'œil par-dessus son épaule aux deux hommes d'équipage à présent très mal à l'aise. L'un d'eux se déplaçait en crabe vers le pont d'envol de la navette et Tremaine fit un signe de tête au soldat Kohl. Le fusilier changea légèrement de position et dégrafa le holster de son étourdisseur. L'homme se pétrifia.

« Qu'y a-t-il là-dedans, à votre avis, second-maître ? demanda l'enseigne d'un ton enjoué, car il commençait à bien s'amuser.

  Eh bien, monsieur, d'après le manifeste, ce truc (il donna un coup sur la caisse) contient des charrues à traction animale en duralliage à destination de l'agent du cartel Hauptman sur Méduse.

  Ouvrons et voyons ça.

  À vos ordres, monsieur. » Avec un large sourire qui découvrit des dents beaucoup trop régulières pour être naturelles, Harkness tira une foreuse d'une de ses vastes poches. Il poussa le bouton, déclenchant le gémissement strident que la loi manticorienne imposait à titre d'avertissement sur ce type d'outils, puis il passa la lame invisible le long de la bande douanière falsifiée. Le plastique argenté partit en éclats, puis on entendit le doux chuintement des pressions qui s'équilibrent lorsqu'il libéra le couvercle.

Il le souleva, puis s'interrompit à mi-mouvement.

« Tiens, tiens, tiens », murmura-t-il, à quoi il ajouta d'un air absent « monsieur » en se rappelant vaguement la présence de l'enseigne à ses côtés. Il acheva d'ouvrir le conteneur jusqu'à ce que le dessus se bloque. « Drôlement bizarres ces charrues, je trouve, monsieur Tremaine.

  En effet », fit Tremaine au bout d'un moment en se penchant pour caresser la fourrure lustrée, d'un fauve doré. Le conteneur faisait deux mètres de long sur un de large et un de profondeur, et il paraissait entièrement rempli. « Est-ce bien ce que je crois, second-maître ?

  Si vous croyez que ce sont des fourrures de maxikodiak de Griffon, c'est bien ça, monsieur. » Harkness secoua la tête et Tremaine eut l'impression d'entendre cliqueter le terminal de crédit sous son crâne. « Il doit y en avoir pour deux ou trois cent mille dollars, dit le second-maître d'un air méditatif. Dans ce seul conteneur, ajouta-t-il.

  Et le maxikodiak figure sur la liste des espèces protégées. » Le ton de Tremaine était si menaçant que le second-maître se redressa et le regarda, étonné. Le jeune homme n'avait plus l'air jeune du tout; il contempla le conteneur, puis se retourna pour poser des yeux furieux sur les hommes d'équipage qui essayaient de se faire tout petits. « Croyez-vous qu'ils allaient convoyer ces Fourrures à la surface, second-maître?

  À la surface ou à l'entrepôt. Je ne vois pas ce qu'ils auraient pu faire d'autre, monsieur. En tout cas, ce genre de marchandise ne sert à rien aux Échassieux, ça, c'est sûr.

  C'est bien ce que je pensais. » L'enseigne hocha la tête à part lui, puis parcourut du regard la soute mal éclairée. « Second-maître Harkness, je crois qu'il vaut mieux vérifier tous les autres cachets de douane. » Le sous-officier acquiesça et Tremaine adressa un sourire glacial à l'équipage de la navette qui n'en menait pas large. « Pendant ce temps, ces messieurs et moi-même allons rendre une petite visite à leur capitaine. Je voudrais faire un tour dans sa soute principale, également.

  À vos ordres, monsieur. » Le sous-officier au visage peu amène se mit au garde-à-vous, manifestation de respect qu'il se donnait rarement la peine d'adresser aux enseignes qui ne lui signalaient pas vertement sa négligence, puis, de la tête, il fit signe à ses deux équipiers de le suivre, cependant que Tremaine, le soldat Kohl et deux hommes d'équipage vraiment très mal à l'aise quittaient la soute.

Honor secoua la tête en terminant d'écouter le message enregistré de l'enseigne Tremaine, puis elle coupa le terminal, non sans noter que l'enseigne avait attribué la découverte initiale de la fraude au second-maître Harkness et non à lui-même. C'était inhabituel chez un officier si peu gradé, mais cela confirmait sa première impression du jeune homme.

Elle avait espéré cette attitude de sa part en l'affectant au détachement de Méduse; ce qu'elle n'avait pas espéré, en revanche, c'est qu'il vérifie si rapidement l'hypothèse de la contrebande formulée par dame Estelle. Et, elle devait bien l'avouer, elle ne s'était pas non plus attendue à y trouver mêlé un navire manticorien – à destination du cartel Hauptman, pardessus le marché.

Elle fit pivoter son fauteuil pour regarder McKeon, de l'autre côté du bureau. L'officier en second avait la mine de quelqu'un qui vient de mordre dans un fruit aigre et Nimitz leva le menton de son juchoir capitonné pour l'observer d'un air songeur.

« J'ignore ce qui l'emporte chez Tremaine : la fierté de ce qu'il a fait ou l'incertitude quant à ce qu'il doit faire, dit-elle, et les épaules contractées de McKeon tressaillirent. Cette histoire, je pense, va connaître d'intéressantes répercussions sur Manticore.

  Oui, commandant. » Les lèvres de McKeon s'agitèrent un moment sans produire aucun son, puis il croisa le regard d'Honor. « Vous savez que Hauptman va nier toute participation à cette affaire.

  Quarante-trois millions en fourrures illégales ? Naturellement – tout comme le capitaine du Mondragon soutient que ce sont les fées de l'espace qui les ont placées dans ses soutes, fit Honor avec ironie. Je me demande ce que Tremaine va nous rapporter d'autre lorsqu'il va s'attaquer aux cales principales du bâtiment.

  Des ennuis, commandant. » McKeon parlait à mi-voix, comme en proie à un conflit intérieur, et Honor leva les sourcils. Le second s'agita d'un air embarrassé dans son siège, puis il soupira et parut perdre un peu de son formalisme. « Quoi que couve Tremaine, Hauptman affirmera n'avoir rien à y voir et vous pouvez parier qu'ils auront tous les documents pour le prouver, soi-disant. Le mieux que nous pourrons faire, ce sera (l'épingler le capitaine du Mondragon et, probablement, son commissaire de bord.

  C'est un début, monsieur McKeon. Et les documents ne seront peut-être pas aussi bétonnés que vous le pensez.

  Écoutez, commandant, je sais que souvent nous ne nous... » Le capitaine de corvette s'interrompit et se mordit la lèvre. « Enfin, vous allez vous mettre le cartel à dos et ils ont des amis haut placés qui sauront traduire leur mécontentement. Vous avez mis la main sur une cargaison de fourrures illégales, mais cela en vaut-il la peine ? Cela en vaut-il vraiment la peine ? » Le regard d'Honor se durcit de façon inquiétante et il poursuivit aussitôt : « Ce fret est illégal – Dieu sait ! –, ce n'est pas ce que je veux dire, et je vois bien ce que vous essayez de faire. Mais le jour où nous quitterons le poste de Basilic, tout redeviendra comme avant. Pour eux, c'est sans doute une goutte d'eau dans l'océan de leurs revenus, mais ils ne vous oublieront pas.

  J'y compte bien, capitaine », répondit Honor d'une voix glaciale, et McKeon la dévisagea, l'air inquiet. Pour la première fois depuis trop longtemps il se faisait du souci pour son commandant parce que c'était son commandant, mais ce regard sombre et blindé était inébranlable.

  Vous allez mettre en danger toute votre carrière pour un geste qui ne changera rien à l'affaire ! protesta-t-il. Commandant, ce genre d'incident, c'est...

  C'est ce à quoi nous devons mettre un terme. » La voix d'Honor coupa la sienne comme une dague, et il fit une grimace en percevant comme une souffrance sous la colère qui brûlait dans ses yeux. Une souffrance et autre chose... Du mépris peut-être, douloureux, trop douloureux. Il se tut et les narines d'Honor s'évasèrent.

  Capitaine McKeon, reprit-elle de la même voix glacée, mon devoir ne varie pas en fonction de ce que d'autres doivent ou ne doivent pas faire pour remplir le leur. Et peu m'importe la personnalité de ceux qui se livrent à des activités délictueuses sous mon mandat. Nous soutiendrons l'enseigne Tremaine jusqu'au bout. En outre, je veux qu'on porte un intérêt accru à tous les bâtiments – tous, capitaine – affrétés par le cartel Hauptman. Est-ce clair ?

  C'est clair, commandant, répondit-il avec regret. Je voulais seulement...

  Je vous remercie de votre souci, le coupa-t-elle sèchement, mais l'Intrépide remplira ses obligations. Toutes ses obligations.

  Oui, commandant.

  Merci. Rompez, capitaine. »

Il se leva et quitta la cabine, inquiet, les pensées embrouillées, en emportant avec lui le fardeau d'une étrange et profonde honte.




Mission Basilic
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